De plus en plus de personnes limitent leur consommation de gluten, voire même l’ont supprimé de leur alimentation. Le nombre de personnes atteintes de la maladie cœliaque a largement augmenté ces dernières années, en plus de celles qui, sans être cœliaques, sont intolérantes ou sensibles au gluten.
Quand j’ai commencé mes études naturopathie, c’était un point alimentaire qui était souvent cité comme source de troubles de santé, au même titre que les produits laitiers par exemple. Mais, même si j’avais bien compris ses effets sur le corps, j’avais besoin de savoir qu’est-ce qui pose problème exactement avec le gluten ? (Team « j’ai besoin de comprendre pour appliquer »).
C’est quoi le gluten ?
Tout d’abord, reprenons les bases. Le gluten n’existe pas en tant que tel dans les céréales. Il se forme suite au pétrissage ou malaxage de la farine + eau. En réalité, il est composé de deux protéines : la prolamine (qui s’appelle plus précisément gliadine pour le blé, l’épeautre et le kamut, avénine pour l’avoine, sécaline pour le seigle et hordéine pour l’orge) et la glutéline qui vont se lier entre elles grâce au mouvement mécanique de pétrissage et à l’eau pour former une nouvelle protéine : le gluten. Pour que ce soit plus simple on utilise le mot « gluten » pour parler des protéines qui servent à le fabriquer.
On trouve du gluten dans les blés (dur et tendre, anciens comme l’épeautre ou le kamut), le seigle, l’avoine et l’orge, en quantité variable selon la variété et les conditions de culture. Ce qui m’a surprise c’est que globalement les variétés anciennes de blés contiennent plus de gluten que les variétés modernes. Le problème vient donc de sa qualité plutôt que de sa concentration.
Petit moyen mnémotechnique, retenez qu’il y a du gluten dans les céréales SABO (Seigle Avoine Blé Orge).
Penchons-nous sur le blé. Il faut savoir que le gluten du blé n’a pas toujours été celui d’aujourd’hui. Après la Seconde guerre mondiale, il a fallu écouler tout ce stock de nitrates et phosphates utilisés jusque-là pour fabriquer les armes chimiques. Les industriels les ont alors utilisés comme engrais agricole mais le problème c’est que les tiges du blé étaient trop petites pour supporter le poids des graines car son rendement avait augmenté. Il a donc fallu le modifier génétiquement pour rendre sa tige plus forte. Le cumul de ces mutations génétiques a conduit à renforcer aussi l’élasticité du gluten du blé qui est aujourd’hui 600% plus résistant que dans les années 60 !
Cette élasticité a un rôle intéressant en boulange car cela permet d’emprisonner le CO2 issu de la fermentation (les petits trous de la mie). C’est ce qui va donner des pains volumineux et moelleux. Mais cette résistance mécanique se retrouve aussi lors de la digestion.
Les effets du gluten sur le corps
Les enzymes digestives chargées de réduire les aliments en petites particules doivent fournir un effort supplémentaire pour essayer de casser ces molécules mais elles peuvent au mieux les fragmenter en gros morceaux. Ce sont donc des substances partiellement prédigérées qui sont déversées dans l’intestin. Pour la plupart des personnes cela ne fait que ralentir la digestion sans causer de trouble particulier, mais pour d’autres, ce gluten va stagner et former des déchets comme de la colle qui va encrasser le tube digestif et nuire à son rôle d’assimilation des nutriments.
Cœliaque :
Maladie Auto Immune où l’ingestion de prolamines créé une réaction immunitaire inflammatoire qui détruit les villosités de la paroi intestinale (petits poils qui tapissent la muqueuse intestinale et permettent l’assimilation de nutriments) jusqu’au point où ils ne peuvent plus assimiler les nutriments. C’est une intolérance permanente au gluten. L’ingestion d’un aliment contentant une infime quantité de gluten met leur santé en péril.
Sensibilité au gluten :
Dans cette situation, l’inflammation créée par l’ingestion de gluten ne va pas jusqu’à provoquer des lésions. Les personnes sensibles au gluten présentent des symptômes qui correspondent au tableau clinique de la maladie cœliaque mais sans réaction allergique ou auto-immune.
Les personnes concernées font le lien avec le gluten car les troubles s’apaisent lorsqu’elles arrêtent d’en consommer mais la communauté scientifique ne sait pas encore quel est le lien exact avec le gluten.
On distingue des symptômes axés sur la sphère digestive : vomissement, Reflux Gastro-Œsophagien, ballonnements, diarrhée, constipation, malabsorption de nutriments (=carences), perte d’appétit, perte de poids, ralentissement voire arrêt de la croissance…
Et des troubles qui vont au-delà de la sphère digestive : troubles articulaires / neurologiques / dermatologiques, fatigue chronique, brouillard mental, migraines, troubles psychiatriques, troubles de la circulation, hyperactivité, asthme, apparition d’allergies… La sensibilité au gluten ou la maladie cœliaque touchent tous les organes du corps : il existe environ 250 symptômes différents dont environ 50 fréquents.
L’origine de la maladie cœliaque et de la sensibilité au gluten est inconnue. On sait qu’il y a prédispositions génétiques mais aussi des facteurs environnementaux déclencheurs qui sont soupçonnés être responsables de la forte augmentation de la maladie.
Le gluten moderne n’agit pas seul
Il y a tout d’abord l’effet cocktail avec les différents pesticides utilisés en agriculture intensive et qu’on retrouve ensuite dans nos aliments non bios, bruts comme transformés. Des études ont par exemple trouvé une corrélation entre l’augmentation de l’usage du glyphosate dans l’agriculture et l’augmentation de la maladie cœliaque.
On peut aussi parler de l’omniprésence du blé dans l’alimentation moderne : 30% des produits alimentaires de supermarché conventionnel contiennent du blé. Cette surconsommation de blé pourrait être un facteur déclenchant de sensibilité ou de la maladie cœliaque : le corps arrive à un point de non-retour et dit stop car il sature. Le gluten, en raison de ses propriétés d’élasticité est très souvent ajouté aux produits de boulange industriels déjà fabriqués à partir de farine de blé.
Toujours dans la boulange, on peut évoquer aussi le fait qu’aujourd’hui le levain a été très largement remplacé par la levure qui est beaucoup moins contraignante à l’utilisation. Elle permet de faire pousser un pain en 2h contre 2 jours pour un pain au levain. Le problème c’est que le levain, grâce à la fermentation longue, prédigérait le gluten en commençant déjà à le découper en microparticules que les personnes sensibles peuvent supporter.
Enfin, on peut aussi évoquer la baisse de qualité et de diversité alimentaire qui provoque une dysbiose intestinale (déséquilibre de la flore) qui fait le lit des intolérances.
Quelques pistes de réflexion
Même si une part de la population ne ressent pas d’effets négatifs en consommant du gluten, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas adapté à la physiologie du corps humain.
L’éviction est le meilleur remède actuel pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque. Les personnes sensibles font aussi souvent le choix de le supprimer de leur alimentation mais cela soulève la question de ce par quoi les aliments à gluten sont remplacés. Cela peut être d’autres céréales sans gluten ou des pseudo céréales ce qui apporte dans ce cas une variété plus grande dans l’alimentation avec la découverte et l’utilisation de céréales moins connues (sorgho, quinoa, millet, sarrasin…). Il y a aussi ceux qui se tournent vers les produits certifiés sans gluten qui ne sont pas forcément plus sains. D’accord, il n’y a plus de gluten mais il y a bien souvent à la place du maïs qui a un indice glycémique haut apportant encore plus de sucre dans une alimentation déjà très sucrée et qui est aussi un produit qui a subi de nombreuses mutations génétiques.